lundi 2 avril 2018

La dignité de Johan Huizinga face au Nazi antisémite Johann von Leers


Richard Zrehen (1949-2011), éditeur (Belles Lettres), traducteur et blogueur:
Johan Huizinga
"Johan Huizinga (1872-1945), le célèbre historien d’art, l’un des fondateurs de l’Histoire culturelle, l’auteur de Homo Ludens, alors recteur de l’université de Leyde a décidé, en avril 1933, d’annuler l’invitation faite (par son université) à Johann von Leers (1902-1965) d’assister à une conférence internationale: il venait d’apprendre que von Leers, universitaire nazi, avait écrit un pamphlet antisémite, Juden Sehen Dich An (Les Juifs vous surveillent) dans lequel le «crime rituel juif» («assassinat d’enfants chrétiens par les Juifs pour ‘récupérer’ son sang, nécessaire à la confection du pain azyme pour la Pâque») était présenté comme un fait avéré.

Huizinga a tenu bon, a résisté à toutes les pressions, a eu des problèmes avec les éditeurs suisses et allemands qui publiaient ses livres et, ultimement, est mort en captivité aux mains des Nazis, mais von Leers n’aura pas été l’hôte de son université.


Johann von Leers
Pour l’anecdote, von Leers, un protégé de Goebbels qui appréciait ses talents de propagandiste, chaud partisan de la «solution finale», allait, après quelques années passées dans l’Argentine de Peron, se convertir à l’Islam dans les années 1950 et entrer au service du président égyptien G. A. Nasser – rejoignant ainsi nombre de ses camarades d’un combat qui, pour eux, n’avait pas cessé avec la défaite de l’Allemagne nazie. En 1953, il parlera avec émotion de «l’émouvant accueil plein d’humanité que des centaines de ‘réfugiés allemands’, des milliers peut-être, ont reçu des musulmans du Moyen-Orient après la guerre» (Wiener Library Bulletin, XI, 1-2, 1957).

Mais dès 1934, von Leers vantait la grande tolérance de l’Islam dans Der Kardinal und die Germanen (Le Cardinal et les Allemands). En, 1936, dans Blut und Rasse in der Gesetzgebung (Sang et Race dans la Législation) il exprimait son admiration pour «l’Islam impérieux et guerrier de peuples qui ont une claire composante raciale nordique». De 1938 à 1942, il s’est beaucoup intéressé aux relations (mauvaises) entre le Prophète et les Juifs à Médine. Et, en 1957, il expliquera ainsi le choix de son «nom de baptême» au nazi américain H. Keith Thompson: «J’ai embrassé l’Islam et pris pour nom Omar Amin, Omar, pour le Calife Omar (Omar Ibn Al Khattab, 2e calife de l’Islam, mort en 644) implacable ennemi des Juifs, Amin, en l’honneur de mon ami Hadj Amin el Husseini, le Grand Mufti (de Jérusalem, célèbre pour son «Izbah Al-Yahud!» («Egorgez les Juifs!») ayant provoqué les massacres de Hebron et Safed en 1929, «invité spécial de Hitler» à Berlin de 1941 à 1945, organisateur de l’assassinat du roi Abdallah de Jordanie en 1951, oncle de Mohammed Abdel-Raouf Arafat As Qudwa al-Hussaeini, aka Yasser Arafat, entre autres)».

A la veille de sa mort, von Leers s’était fait l’avocat d’une expansion de l’Islam en Europe dont la jonction avec l’Islam du Maghreb et celui de certaines républiques d’URSS (!) devait, à terme, constituer un bloc uni et puissant, pouvant traiter d’égal à égal avec l’Ouest et l’Est.
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